La folie de la pâte à tartiner fait de plus en plus de victimes | 60 Millions de Consommateurs

**Nutella végan, El Mordjene, Crema Bueno…** Pas une semaine ne passe sans qu’une nouvelle pâte aux noisettes (et au sucre) fasse parler d’elle. Décryptage.

Dans le rayon des pâtes à tartiner, chacun dévoile sa nouveauté. Le 8 octobre dernier, la Coopérative U a annoncé le lancement en édition limitée de sa pâte « intense noisettes », composée de 45 % de noisettes, qui pourrait bien rester en rayon « si l’engouement des consommateurs perdure ». À peu près au même moment, la pâte à tartiner normande Crema Bueno devenait virale sur les réseaux sociaux.

Cette dernière a même été présentée par certains journaux comme une alternative locale au produit algérien El Mordjene, qui a rencontré un succès fulgurant à la rentrée avant d’être interdit par les autorités. Peu de temps avant, Ferrero avait lancé en grande pompe la version végane de son célèbre Nutella, qui a célébré cette année son soixantième anniversaire.

64 pâtes à tartiner différentes en magasin

Cette annonce avait été l’occasion pour nous d’arpenter les rayons des grandes surfaces à la recherche d’autres pâtes à tartiner véganes, que nous avons goûtées et comparées au nouveau « Nutella Plant-Based ». C’était aussi l’occasion de constater l’étendue de l’offre disponible : bio, végane, sans huile de palme, à la cacahuète, avec ou sans cacao, crémeux ou crunchy… Difficile de savoir où donner de la tête devant tant de pots !

« Il y a des nouvelles marques, des nouveaux goûts, des nouvelles textures, des formats différents… », observe Emily Mayer, directrice Business Insights chez le panéliste Circana. « Cette année, il y a en moyenne 64 références de pâtes à tartiner proposées en hypermarché, contre 49 en 2019. Quinze références en plus, c’est énorme, d’autant plus que ce n’est pas du tout la tendance générale dans les rayons des grandes surfaces. » Cette multiplication du nombre de produits répond-elle à une demande des consommateurs ou vient-elle, au contraire, créer de nouveaux besoins ? Ce qui est sûr, c’est que ces pâtes à tartiner séduisent leur public de becs sucrés.

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La pâte aux noisettes ne connaît pas la crise

La pâte à tartiner fait en effet partie des catégories de produits qui ne connaissent pas la crise, avec des volumes en croissance de 21 % entre 2014 et 2023. Un chiffre qui contraste avec la tendance générale de la consommation dans les grandes surfaces, qui connaît un déclin de 2 % sur cette même période.

En progression constante, ce marché représentait 95 millions de tonnes et 705 millions d’euros en 2023. « Sur 2024, la croissance ne se dément pas, avec une progression de 5 % en volume et 10 % en chiffre d’affaires par rapport aux neuf premiers mois de 2023 », souligne Emily Mayer. Si la consommation de pâtes à tartiner est dynamique dans tous les pays européens, c’est en France que la croissance est la plus rapide, et cela malgré l’inflation qui n’a pas épargné ce produit.

« Les Français mangent pour se faire plaisir »

La recette de ce succès ? « Les Français mangent pour se faire plaisir, et la pâte à tartiner est un petit plaisir du quotidien, un peu comme les paquets de bonbons ou de cookies que les Français n’ont pas complètement sacrifiés lors de ces deux années d’inflation », analyse Emily Mayer. « Et comme les nouvelles marques communiquent dans les médias et proposent des promotions sur ces produits, cela attire les consommateurs. »

En ce qui concerne les campagnes de communication, les mastodontes historiques du secteur ne sont pas en reste. Qui n’a pas en tête une publicité pour du Nutella mettant en scène une famille heureuse d’ouvrir un pot de la célèbre pâte à tartiner pour leur petit déjeuner ou leur goûter, ou pour la Chandeleur ?

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Des publicités qui ciblent les plus jeunes

Ce marketing peut faire grincer des dents. Sachant que l’interdiction des publicités pour ces produits visant les enfants et adolescents serait l’une des mesures les plus efficaces pour lutter contre le surpoids et l’obésité, qui touchent près de la moitié de la population française (46 % selon les derniers chiffres de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques).

Certes, les publicités pour des produits sucrés ne peuvent plus être diffusées sur les chaînes publiques pendant les programmes pour enfants, mais ces derniers peuvent tout à fait y avoir accès par d’autres canaux, comme les chaînes privées ou les réseaux sociaux… Sur TikTok, plateforme très prisée des plus jeunes, le hashtag #Nutella rassemble pas moins de 869 500 publications ! Et sur son compte Instagram, la branche française de la marque compte 128 000 abonnés.

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Avec son Nutella, Ferrero écrase la concurrence

Sollicitée par *60 Millions de consommateurs* sur l’évolution de ses parts de marché, la maison mère de Nutella, Ferrero, nous a renvoyés vers un article des *Échos* : « Longtemps archi-leader avec une part de marché de 85 %, Nutella a cédé du terrain notamment face aux innombrables marques de distributeur (MDD), qui viennent en deuxième place. » Les MDD représentent environ 18 % des volumes, d’après Circana. À titre d’exemple, la marque U propose, à elle seule, sept références de pâte à tartiner et nous affirme être déjà en train d’étudier un prochain lancement.

Pas de quoi affaiblir le géant de la pâte à tartiner pour autant, qui reste « majoritaire avec 66 % des ventes », d’après *Les Échos*. Emily Mayer complète : « Quand il y a plus de marques, il faut partager la part de marché avec un peu plus de monde, mais ici, le gâteau a grossi. Sous l’impulsion de ce leader, le marché est très dynamique et finalement c’est profitable pour tous les intervenants. » D’autant plus que les nouveaux venus adoptent un positionnement différent, tant en matière de goûts que de composition ou de labels.

Restaurants, boulangeries, pâtisseries maison…

Ainsi, un consommateur qui boude le Nutella à cause de la présence d’huile de palme dans sa liste d’ingrédients peut désormais se tourner vers des produits aux compositions plus vertueuses. Idem pour ceux qui préfèrent les goûts moins sucrés, plus chocolatés… Le champ des possibles s’est considérablement élargi.

Les usages se sont, eux aussi, multipliés. Il est loin le temps où la pâte à tartiner était réservée aux tartines du petit déjeuner et à la Chandeleur ! Dans des glaces, des tiramisus, des gâteaux, et bien d’autres encore, la pâte à tartiner s’invite dans les restaurants et boulangeries, mais aussi dans de nombreux ouvrages et sites de recettes. Pour Emily Mayer, « c’est devenu un ingrédient, et ça, c’est vraiment très fort ». Une prouesse qui, du point de vue de *60 Millions de consommateurs*, suscite son lot d’inquiétudes, compte tenu des risques associés à la consommation d’aliments sucrés.

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